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Publié le: 10/10/2015

Ce blog est écrit conjointement par Juste Nansi, Directeur pays d'IRC Burkina Faso et Amlie Dubé, programme officer IRC

Le programme USAID West-Africa Water Supply, Sanitation and Hygiene (USAID-WA-WASH) a été mis en œuvre entre 2011 et 2015 avec pour objectif global l'amélioration durable de l'accès à l'eau potable, l'assainissement et l'hygiène au Burkina Faso, au Niger et au Ghana. Partenaire de ce programme, IRC a eu pour principale mission d'expérimenter l'approche de fourniture des services (Service Delivery Approach) pour améliorer la qualité et la pérennité des services d'eau potable.

Les faibles capacités des acteurs constituent le principal blocage à l'efficacité et à la pérennité des services d'eau potable en milieu rural

Avant d'examiner les blocages, nous avons d'abord travaillé à caractériser la qualité des services d'eau potable fournies aux populations des communes que nous avons ciblées dans la région du Sahel. Nos travaux indiquent qu'en 2012, dans des communes dont les taux d'accès officiels à l'eau potable avoisinent 45%, moins de 1% des populations bénéficiaient effectivement de services conformes aux normes nationales (20l par personne par jour, d'une eau de qualité conforme aux normes de l'OMS, avec le forage situé à moins d'un kilomètre des habitations et un nombre d'usagers inférieur à 300 habitants).

Sur ces bases, l'équipe d'IRC s'est attelée à identifier les raisons derrière ce constat. Bien qu'à priori, notre recherche s'est orientée autour des lacunes de nature techniques (équipement en panne, inadéquation entre l'offre et la demande), et comportementales (les besoins et usages des populations), nos travaux ont identifié de grandes lacunes dans la gestion du service. En effet, les opérateurs de services qui ont la charge de l'exploitation et de la maintenance des forages équipés de pompe à motricité humaine n'ont pas les capacités de mener à bien leurs rôles. En effet, les associations d'usagers de l'eau et les artisans maintenanciers ruraux n'ont pas le niveau d'instruction et de formation requis pour assurer une gestion professionnelle des ouvrages. A titre indicatif, aucun de ces opérateurs ne peut tenir un compte d'exploitation, outil élémentaire pour une gestion professionnelle.

Nos analyses ont également indiqué qu'il n'est pas réaliste de trouver les compétences requises pour une gestion professionnelle au niveau villageois. Nous avons également observé la faible capacité des communes rurales, qui ne disposent ni des compétences techniques, ni des compétences managériales pour assumer leurs responsabilités de maîtrise d'ouvrage. Développer et gérer des services d'eau n'est pas qu'une question de mandat officiel, mais surtout un enjeu de compétences en gestion, en planification, en supervision, toutes choses généralement inexistantes dans nos communes rurales. Enfin, nous avons observé l'inadéquation de l'appui mis en œuvre par l'Etat ou les autres partenaires aux communes ou aux opérateurs de services pour développer et gérer les services d'eau potable. Ces appuis restent encore essentiellement focalisés sur la réalisation ou la réhabilitation des équipements avec une attention insuffisante pour la gestion efficace. Les efforts d'appui à la gestion des services se limitent à mettre en place les dispositifs de gestion (les associations d'usagers de l'eau, les contrats, etc.). Et pourtant d'importants problèmes émergent après la mise en place de ces dispositifs, mais les communes n'ont plus d'appui pour y faire face.

« La qualité et la pérennité des services d'eau potable en milieu rural au Burkina Faso sont essentiellement compromis par les capacités et compétences des communes et des opérateurs de services. »

Professionnalisation et mise en place d'un suivi du service : Deux solutions pour surmonter les blocages et assurer des services efficaces et pérennes

A l'issue de ce diagnostic exhaustif, l'équipe d'IRC s'est œuvré à développer des solutions. Essentiellement focalisées sur la professionnalisation de la gestion des services d'eau potable, les autorités locales et par les opérateurs de services ont été ciblés selon leurs fonctions spécifiques. Cette professionnalisation sous-entend la compétence (savoir-faire) et l'utilisation d'outils appropriés.

D'une part, l'équipe, de concert avec les autorités locales, on revu les indicateurs permettant d'apprécier la qualité des services d'eau fournis aux usagers. S'il fallait s'en tenir aux taux d'accès tel que défini au plan national, vous constatez bien qu'il ne traduit pas la qualité des services fournis aux usagers et qu'il contraste significativement avec l'opinion des usagers. Nous avons donc développé des indicateurs qui permettent aux autorités communales de mieux appréhender la qualité des services d'eau, mais également de s'informer efficacement sur les performances des structures de gestion. Ces indicateurs ont permis l'élaboration d'un nouveau cadre de suivi-évaluation des services d'eau potable au niveau communal. Ce cadre a été expérimenté dans les communes d'Aribinda et de Gorgadji où nous avons observé une amélioration importante de la qualité des services d'eau potable. Ainsi, il a permis de réduire la durée des pannes de 30 jours à moins de 3 jours dans ces deux communes, tout en permettant aux autorités communales et aux opérateurs de service (associations d'usagers de l'eau et maintenanciers) de mieux exercer leurs responsabilités spécifiques.


Mais d'importants défis restent à relever car malgré la volonté de transférer les compétences de gestion aux acteurs locaux, les capacités de bases limitées ne leur permettent pas de prendre en charge plusieurs opérations, notamment le traitement et l'analyse des données statistiques. Malgré les avancées importantes, il demeure très difficile pour les associations d'usager de l'eau d'assurer une gestion financière professionnelle avec un suivi documenté et une analyse rigoureuse des charges et des produits, toutes choses nécessaires pour l'efficacité et la pérennité des services. Le problème de fond ici est le faible niveau de qualification des personnes responsabilisées dans les villages, ainsi que l'inadéquation du bénévolat promu par la règlementation, pour exercer des fonctions qui exigent une haute compétence technique et du temps. Aussi-avons-nous développé un modèle de gestion des forages équipés de pompe à motricité humaine, permettant de répondre autant aux exigences de professionnalisme qu'aux exigences de coûts et de prix accessibles aux usagers ruraux. Ce modèle s'appuie essentiellement sur la mise en place d'un opérateur professionnel à l'échelle communale ou intercommunale pour gérer un parc de forages équipés de pompes à motricité humaine.

Partager nos constats pour le bénéfice des populations et du secteur

Nous avons étroitement collaboré avec le Ministère en charge de l'eau au cours des 4 années de mise en œuvre du projet, afin que ces solutions expérimentées puissent alimenter les politiques, stratégies et programmes nationaux de développement et de gestion des services d'eau potable au Burkina Faso. A ce titre, nous avons participé à toutes les réflexions stratégiques qui ont été organisé par le Ministère afin de faire prendre en compte nos observations fondées sur les résultats du projet. Nous avons également assuré la formation de 60 professionnels du secteur sur les outils de suivi-évaluation que nous avons développé. Nous avons enfin organisé un séminaire international sur la gestion communale des services d'eau potable, avec plus de 200 participants venus du monde entier pour engager la discussion et favoriser la diffusion de notre expérience et de celles des autres sur le sujet.

Un recueil compilant un certain nombre de nos réflexions et disponible en ligne, nous permet de poursuivre le dialogue avec le secteur et d'alimenter la réflexion sur les forces, les faiblesses et les solutions pour la fourniture de services efficaces et pérennes d'eau potable en milieu rural au Burkina Faso. Enfin, l'ensemble de nos travaux sont publiés en ligne sur ce site et également sous format imprimés et libres d'exploitation.

Notre conclusion : Transposer en rural ce qui marche en urbain

En synthèse, la solution pour une gestion efficace et pérenne des services d'eau potable en milieu rural au Burkina Faso, c'est la professionnalisation de la gestion. Ceci est plus qu'une évidence quand on examine comment sont gérés les services d'eau potable dans les grandes villes. S'il y a de l'eau de façon quasi permanente aux robinets à Ouagadougou, c'est parce qu'il y a des professionnels à différents niveaux, avec des exigences de performances, au sein de l'ONEA qui opère sous le contrôle d'autorités nationales qualifiées et compétentes.
La fourniture des services pérennes d'eau potable en milieu rural n'échappe pas à cette condition évidente. Les efforts de professionnalisation dans les communes de Gorgadji et de Arbinda nous ont fourni la preuve de leur efficacité. Ils ont aussi démontré l'ampleur de la tâche.

Il est plus que temps pour le secteur et spécialement pour les autorités de favoriser cette professionnalisation. Celle-ci peut prendre diverses formes ; délégation de service à des entreprises privées locales, mutualisation des ressources humaines et financières à l'échelle supra-communale, révision des normes nationales pour inclure la dimension service à l'usager, l'utilisation d'outils de téléphonie mobile pour rapporter les pannes etc. La bonne nouvelle est que le message est entendu et que les initiatives se multiplient.
Il reste encore à faire pour offrir un service d'eau digne de ce nom aux populations rurales du Burkina Faso. Grâce au programme USAID WA-WASH, IRC a de la matière pour poursuivre, de concert avec le secteur, son travail de recherche et de plaidoyer.

Exonération de responsabilité

At IRC we have strong opinions and we value honest and frank discussion, so you won't be surprised to hear that not all the opinions on this site represent our official policy.

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