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Publié le: 17/09/2015

D’abord, il n’est pas vrai que « tout un chacun », dans les pays en développement a un téléphone mobile. Il ressort que 38% des populations en Afrique sub-saharienne avaient des téléphones en 2014 contre 30% ayant accès à un assainissement amélioré en 2015 (ce taux d’accès s’élèvera à 50% si l’on inclut les installations communes). Ensuite, la question de l’accessibilité et de la qualité du service reste préoccupante. Inexistence de réseau, interruption d’appels, coût de communication exorbitant, voilà autant de conditions sous-jacentes à notre contrat avec la téléphonie mobile : nous payons pour les services qui peuvent nous rendu et non pour un minimum universel dû. Si ces conditions d’exécution du contrat pour la téléphonie restent encore acceptables ce n’est pas le cas dans le secteur de l’assainissement. Ce dernier relève du domaine de bien public, (un droit de l’homme) où les services doivent être permanemment disponibles et où desservir les populations non encore pourvues est la première priorité.

Le secteur de l'assainissement peut-il apprendre de celui de la téléphonie mobile? Assurément, car il y a beaucoup à apprendre et à répliquer, au premier rang de ceux-ci : le concept même de téléphonie mobile en tant que service.

Personne ne veut un téléphone juste pour son combiné : on le paie en réalité pour le service que l'appareil offre, soit la possibilité d'appeler des amis, de leur envoyer des messages ou encore de télécharger des données. De même, une latrine qui n'est jamais utilisée ni vidée n'a point d’utilité. Anodin d'apparence, c'est pourtant le service fourni par la latrine qui vaut plus que la forme elle-même de l'infrastructure. Aussi, comprendre ceci peut permettre un changement et amener une vision porteuse de transformation réelle dans le  secteur de l'assainissement.

Au lieu de de nous intéresser uniquement au nombre de toilettes ou au comportement des utilisateurs, nous devrions plutôt examiner la qualité du service, à savoir si les latrines sont propres et utilisées, si elles sont vidées ou entretenues, ou encore si les eaux usées sont traitées, éliminées (et même recyclées) de façon saine. Et nous devons également examiner le système sous-tendant le service: ce réseau composé des individus, des organismes et des institutions qui, ensemble, assurent le bon fonctionnement du service.

Dans les pays développés, nous prenons très probablement pour acquis les services d'assainissement. Nous vidons notre toilette et elle fonctionne ; si elle ne marche pas, nous appelons quelqu'un qui pourra la réparer. Les eaux usées se retrouvent dans un égout ou bien elles sont stockées sur site, pour être ensuite traitées et éliminées de façon totalement saine. Un large éventail d'entreprises et organismes (publics et privés) est ici impliqué : des constructeurs et fabricants de toilettes aux exploitants de stations d'épuration, des services de vidanges des citernes, aux agences nationales responsables de l'environnement.

Ici, trois attributs sont universels : le service est réglementé par le gouvernement ; une redevance doit être payée pour ce service, et le service est subventionné par le trésor public à un moment ou à l’autre.

Il y a aussi une seconde leçon à tirer de la comparaison entre les téléphones et les latrines, et celle-ci est liée à la notion d'universalité : sans la participation du gouvernement, le secteur privé seul ne sera jamais capable de fournir un accès universel au service d'assainissement. Les coûts marginaux associés à l'extension de la couverture, non plus pour couvrir seulement « la plupart des gens, la plupart du temps » mais bien pour couvrir « tout le monde, tout le temps », sont simplement trop élevés (ce qui explique le déficit de couverture réseau de téléphonie mobile, même dans les pays riches).

Les utilisateurs devraient payer pour les services d'assainissement ­– car cela les rend plus exigeant envers les fournisseurs de services. Mais il n'est aucunement envisageable dans un futur proche que les usagers les plus pauvres soient capables de payer toute la chaîne du service d’assainissement.

Évidement, nous avons besoin des entrepreneurs pour créer les entreprises (sociales) qui fourniront des latrines et traiteront les eaux usées. Mais, si nous souhaitons vraiment que chacun et même les plus pauvres aient accès à l'assainissement, l’investissement de l’État en termes de leadership et de financement est nécessaire.

Le financement public est un élément vital du marché de l'assainissement, et les organismes étatiques y sont des acteurs-clés; les mécanismes nationaux de passation de marché et les systèmes réglementaires sont des catalyseurs essentiels pour la mise à l'échelle. En pensant que nous pouvons ignorer ou contourner ces éléments au nom de l'efficacité ou de l'efficience, nous oublions un point crucial : les pays qui ont atteint l'accès universel à l'assainissement y sont parvenus grâce à un leadership fort de la part de l'État – un aspect souligné par WaterAid dans une récente étude sur les moyens de parvenir à un accès universel à l’assainissement en Asie du Sud-Est.

Alors oui, il y a effectivement une place pour l'esprit d'entreprise et les nouvelles technologies, mais seulement au sein d'un environnement favorable qu’offrent le leadership managérial et le financement de l’État. Si cet environnement n'existe pas, les entreprises sociales et les autres acteurs doivent encourager sa création – par exemple, en encourageant les gouvernements à faire preuve du type de leadership politique sur l'assainissement qu’incarne actuellement l'Inde, et en les aidant à créer les conditions nécessaires à la prospérité des entreprises sociales.

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