Publié le: 15/04/2013
Aux petites heures du matin, une dizaine de femmes qu’accompagnent des jeunes gens envahissent les abords de la borne fontaine située au croisement des avenues Ma Campagne et Ntony au nord de Beni au Nord Kivu. Avant de puiser l’eau, ces villageois entretiennent les points d’eau. Munis de bêches, houes et balais, ils canalisent l’eau et sarclent les petites herbes sauvages aux alentours. Les tuyaux bouchés sont immédiatement remplacés.
Non loin de là, la responsable d’une autre borne chargée du recouvrement vérifie d’abord l’intérieur des bidons pour s’assurer qu’il n’y a pas de saleté avant de le remplir et percevoir les 20 Fc (soit 0,02 $) par bidon de 20 litres. ″Nous sommes très stricts quant à la propreté de ces bornes car elles sont notre seul espoir d’avoir de l’eau potable. Avant ces ouvrages, nous peinions pour nous approvisionner dans les villages surplombant la cité″, explique Gisèle Kaleba, une habitante.
Dans ce quartier, l’accès à l’eau potable a longtemps été un parcours du combattant. Selon le rapport de service de l’hygiène de la zone de santé, avant la construction de ces bornes fontaines, les habitants utilisaient l’eau des ruisseaux voire l’eau de pluie pour leurs besoins domestiques. Ils contractaient alors constamment des maladies d’origine hydrique.
Des ressources bien contrôlées
Depuis cinq ans, la ville dispose d’une centaine de bornes fontaines construites grâce à l’appui financier de l’Union européenne. Elles sont gérées conjointement par la Régie de distribution et d’exploitation d’eau (Regideso) et les communautés locales. Un comité de pilotage fait le suivi et veille à l’entretien de l’ouvrage. Les membres encouragent les consommateurs à payer cette eau et vérifient si l’argent collecté est bien versé dans le compte de l’entreprise.
Un guichet de recettes de ces bornes est installé au cœur de la ville. L’argent encaissé sert à l’achat du gasoil pour faire fonctionner les machines, payer les produits pour désinfecter l’eau et entretenir l’usine de captage. Mayumbe Bende, un des animateurs communautaires passe à la radio pour expliquer aux habitants le bénéfice qu’ils ont d’avoir une usine moderne.
L’autorité urbaine met aussi la main à la pâte. Elle insiste sur le respect des heures de délivrance de l’eau à la population : de 6 h à 8h le matin et de 16 h à 18 h, l’après-midi. Deux chefs de service de la Regideso ont ainsi été relevés de leur fonction pour non respect de ces consignes. Il en est de même des gestionnaires de bornes fontaines qui sont remplacés ou suspendus par le maire en cas de faute. ″Pas de pitié pour les brebis galeuses qui veulent détourner l’argent de ces bornes à leurs fins personnelles″, prévient Bwanakawa Masumbuko, le maire de Beni.
Pérenniser le projet
Selon le rapport final de l’Ong Solidarité qui a exécuté le projet, ces bornes fontaines doivent produire au minimum 36 000$ par mois, à raison de 15$ par jour par borne fontaine. Outre l’entretien et la construction de nouvelles bornes, cet argent sert également à rémunérer le personnel. ″Si cet argent est bien géré, la Regideso peut construire chaque année au moins cinq nouvelles bornes″, explique Julien Sakis, logisticien à l’Ong Solidarité. Car ce projet qui a couté plus de 4 millions de dollars et financé par l’Union européenne doit être pérennisé″.
Lors de l’inauguration d’une nouvelle borne à Ngongolio, un quartier reculé de la ville, le bourgmestre de cette juridiction avait demandé à la population « de payer cette modique somme (20 Fc (soit 0,02 $) pour permettre à la Regideso d’étendre l’expérience ».
Pour la coordination de la société civile, l’entretien de ces bornes est une bonne chose. Mais elle recommande au gouvernement de réhabiliter l’usine centrale de Tuha et de s’assumer, « car l’Etat doit garantir l’eau aux populations qui paient leurs impôts et taxes. En principe, il ne fallait pas attendre les Ong pour que les habitants aient de l’eau, soutient Pamphile Tembo, activiste des droits de l’homme. C’est un droit inaliénable des citoyens. »
Source : Syfia Grands-Lacs, 23 mars 2013.
Par : Jacques Kikuni Kokonyange.