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Publié le: 24/05/2013

Le projet de constitution tunisienne en cours d’élaboration par l’assemblée nationale constituante, élue en octobre 2011, tel que diffusé dans sa version officielle du 22 avril 2013, semble confirmer la tendance visant à reconnaître le droit à l’eau en tant que droit constitutionnel.

En effet, l’article 39 du projet faisant partie du chapitre II consacré aux «  droits et libertés », affirme d’une manière explicite que : « le droit à l’eau est garanti ». Cette formule fait place à une version plus longue contenue dans l’article 34 de l’avant projet de constitution diffusé en décembre 2012 et qui déclarait : « Chaque citoyen a le droit à l’eau. L’Etat a le devoir de protéger la richesse hydraulique, de rationaliser son utilisation et de la distribuer d’une façon égalitaire ».

Cette reconnaissance comble un vide législatif qui a perduré depuis des décennies. En effet,  ce droit humain n’avait jamais été reconnu d’une manière explicite ni au niveau du code des eaux promulgué le 31 mars 1975, ni au niveau du décret n° 73-515 portant approbation du règlement des abonnements à l’eau datant du 30 octobre 1973, ni d’ailleurs au niveau de la constitution du 1er juin 1959 (abrogée en 2011), même si son article 5 déclarait que «  La république tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l’Homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante ».

Pourtant, la Tunisie avait ratifié un certain nombre de conventions internationales qui reconnaissent explicitement ou implicitement ce droit, ce qui leur procurerait en principe la même valeur juridique que les lois internes du pays. Parmi ces traités, nous citons la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention relative aux droits de l’enfant, les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, sans oublier le Pacte International relatifs aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels. La Tunisie a même abrité en 2004, le 16ème sommet de la Ligue Arabe, durant lequel avait été adoptée la charte arabe des droits de l’Homme dans sa nouvelle version et qui reconnaissait explicitement dans son article 39, le droit à l’eau.

Cette reconnaissance en cours de réalisation, fait suite à une mobilisation de représentants de la société civile, associations et experts, qui ont défendu ce droit à travers des publications et des conférences données sur le sujet, mais surtout lors des séances de débat national organisées par l’assemblée constituante les 15 et 16 septembre 2012 à Tunis, de débats régionaux organisés au mois de novembre de la même année, ainsi qu’à travers des rapports et autres documents diffusés auprès des constituants et des présidents de groupes parlementaires.

Cette mobilisation a finit par porter ses fruits, puisque ce droit qui ne figurait pas initialement dans la première version de l’avant projet de la nouvelle constitution élaborée a huis clos et diffusée en août 2012, a finit par séduire les législateurs constitutionnels, malgré la réticence, voire l’opposition de certains participants aux débats, soit à cause d’une méconnaissance de sa portée réelle, soit parce qu’ils craignent qu’une telle reconnaissance engendrerait des charges et des obligations insurmontables par l’Etat et les organismes publics en charge du secteur, Il existe malheureusement une confusion auprès d’une partie de l’opinion publique, entre droit à l’eau et gratuité du service.

Si l’article 39 de l’avant serait maintenu dans la version définitive de la constitution et approuvé par la majorité des constituants (vote prévu pour le mois de juillet 2013), la Tunisie rejoindrait le club des Etats africains qui ont reconnu constitutionnellement le droit à l’eau, à l’instar de l’Afrique du Sud, l’Ethiopie, la Zambie et l’Ouganda.

Cette reconnaissance quoi qu’importante, reste à notre avis insuffisante puisqu’elle se limite selon la version proposée, au droit à l’eau et ne s’étend pas au droit à l’assainissement pourtant reconnu au même titre que le droit à l’eau dans la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptée en juillet 2010, ainsi que dans la résolution du Conseil des Droits de l’Homme dans en date du 30 septembre de la même année. De même, il est regrettable qu’aucune mention ne soit faite par rapport à la protection et la valorisation des ressources hydrauliques et leur préservation pour les générations futures, surtout que la Tunisie compte parmi les pays les plus menacés par la pénurie hydrique dans la région.

A noter par ailleurs, que la Tunisie a réellement les moyens de concrétiser ce droit, elle est dotée d’un réseau d’eau potable comportant 47 000 km de conduites, plus de 1 000 réservoirs et 1 500 stations de pompages, elle dispose aussi d’institutions spécialisées dans la production et la distribution de l’eau à l’image de la société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE), réalisant un taux de desserte avoisinant les 100% dans les zones urbaines et les 90% dans les zones rurales. Le prix de l’eau potable quant à lui reste abordable pour la majorité des abonnés desservis par la SONEDE, 40% de ses usagers payent le m3,  0.145 dinar tunisien, soit moins de 10 centimes d’euro.

Article envoyé par Moez Allaoui, Directeur des affaires juridiques à la SONEDE, 24.5.2013

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