Publié le: 26/11/2012
Youssouf, le coiffeur a de la peine à coiffer l’enfant de Bayi, la vendeuse qui tient solidement les deux bras de son enfant. Soudain, passe un communiqué radio sur le lavage des mains : « Il faut se laver les mains au savon avant et après les toilettes et les repas » disait le communiqué en langue Fon, une des principales langues du Sud Bénin. « Oubliez ces gens, lance Albert. Ce n’est déjà pas aisé d’attendre que le repas soit cuit. Et maintenant, on veut que j’attende des minutes encore en me lavant les mains au savon. Qu’ils me disent si c’est dans leur ventre qu’ira ma nourriture à moi !».
Youssouf, jusque-là calme décide d’entrer dans la discussion : celui qui vous dit de vous laver, d’être propre, ne veut certainement pas manger votre chair ! Il souhaite que vous restiez en bonne santé. Moi, je me lave toujours les mains au savon avant de manger » « Pour chaque personne que tu coiffes, lui dit Albert, tu empoche 300 FCFA (un peu moins de 0,5 euros).
Nous étions deux en attente, il y a deux autres qui viennent d’entrer pour se coiffer, j’imagine ce que tu empoches par jour. Tu as largement les moyens de t’acheter une dizaine de savons par jour. Tu n’es pas comme moi ! » Et Bayi d’enchainer « Tu n’as ni femme ni enfant donc tu ne comprends pas encore les difficultés de la vie. Ce n’est pas facile d’acheter le savon pour se laver, faire la lessive, laver la vaisselle etc. et tu veux qu’on en gaspille pour le lavage des mains ? ».
Youssouf reprend la parole : « vous n’avez pas encore compris. Que vous soyez à la maison ou en ville, vous serrez la main à des gens, vous prenez des objets, vous touchez des murs, il y a de la poussière qui se dépose, vous mettez la main dans l’œil, dans les oreilles etc. Il y a souvent des microbes qui se déposent dans la main, entre les doigts, sous les ongles etc. Et il n’y a que le savon pour les dégager de là. Autrement, vous aurez souvent des maladies que vous pouviez éviter comme les vers intestinaux, les maladies diarrhéiques etc. »
« Tu as des compétences de médecin, dis-donc ! Et pendant ce temps nos hôpitaux manquent d’agent de santé ! », ironise Albert. Bayi dit plutôt : Je crois que Youssouf a raison » « Je le pense aussi mais, il faut avoir les moyens de s’acheter les savons » suggère Albert. Youssouf lui répond : auras-tu les moyens lorsque tu seras malade ? Lorsqu’on t’aura prescrit des médicaments qui coûtent 10 fois un savon ? » Albert et Bayi ensemble disent : Je crois que tu as raison !
Impatient d’être coiffé, et sans être intervenu, j’étais calme comme un mur mais fier qu’ils aient compris la leçon.
La discussion montre l’immensité du chemin à parcourir dans le cadre de la sensibilisation sur le lavage des mains au Bénin. Avec 35,5% de gens vivant en dessous du seuil de la pauvreté monétaire en 2009/2010, un taux d’alphabétisation des 15 à 24 ans d’à peine 65,5 % selon les Nations Unies, le Bénin à fort à faire pour emballer la foule dans le lavage des mains au savon.
Des messages parlants et plus précis mais aussi plus proches du contexte local (par exemple, la stratégie de jeunes pairs éducateurs qui communiquent pour un changement de comportement) pourraient aider à aller de l’avant.
Par Pacôme Tomètissi
Histoire envoyée pour la 4ème édition du concours 2012