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Publié le: 16/06/2011

Les changements enregistrés dans le monde au cours des dix dernières années semblent enfin avoir atteint le secteur de l’eau. Au début du 21supsiècle, on a affirmé que c’était la fin de l’histoire, que les Etats-Unis d’Amérique dominaient le monde à travers une attente cordiale avec l’Europe, et que les politiques économiques et sociales étaient dominées par les forces du marché, comme le décrivait le “Consensus de Washington”

Mais en 2011, la situation semble très différente. Les États-Unis d’Amérique sont fortement endettés, l’Europe éprouve du mal à soutenir sa population vieillissante, tandis que la Chine émerge pour devenir la deuxième économie du monde.

Des pays comme la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud ont pu passer outre les prescriptions de la politique internationale. Quant aux pays pauvres qui sont dépendants des bailleurs et de leurs partenaires multilatéraux que sont les banques de développement, ils ont agi comme on le leur a dicté et n’en sont que plus pauvres.

On oublie par commodité que les Principes de Dublin ont été rejetés lors de la Conférence de Rio sur le développement durable en 1992. Signe des temps, la communauté des donateurs a tout simplement ignoré le consensus mondial, a soutenu “Dublin” plutôt que l’Agenda 21 de Rio et a lancé la mise en place d’institutions de coordination comme le Conseil mondial de l’eau, en dehors du système des Nations Unies (une autre caractéristique du Consensus de Washington a été le rejet de l’approche multilatérale inhérente au système des Nations Unies).

Il n’est pas surprenant que l’approche de la gestion de l’eau qui a émergé au milieu des années 90 reflète le Consensus de Washington à plusieurs égards : l’approche économique, l’approche institutionnelle, le rejet du multilatéralisme et la primauté accordée aux objectifs environnementaux plutôt qu’à l’approche de Rio, une approche équilibrée du “développement durable”

Seulement, ce consensus forcé est en train de s’effondrer et, en Afrique et ailleurs, les véritables priorités se font jour. Le développement des infrastructures, étouffé par les contraintes des organismes de financement, notamment la construction de barrages, reste une priorité et est maintenant possible grâce à des sources alternatives de financement. De l’Ethiopie à la Zambie, la Chine aide les pays à développer les capacités de stockage et de production d’énergie hydroélectrique qui sont nécessaires à leur développement, mais qui leur étaient refusées. Ainsi, l’Afrique et l’Asie seront plus vertes tant du point de vue de l’environnement que de l’agriculture et seront plus fortes face aux défis hydrologiques auxquels elles sont confrontées.

J’ai abordé ailleurs [1] l’échec de l’approche GIRE promue par « Dublin » qui n’a pas obtenu des résultats intéressants. En effet, elle est associée à de sérieux revers rendus exemplaires par les retards dans la mise en œuvre du programme énergétique Ougandais, freinant ainsi la croissance économique et aggravant notoirement la pauvreté.

Pourtant, lorsqu’on souligne par exemple que les politiques de l’eau préconisées par les groupes environnementaux mondiaux ont probablement causé la mort de 10 000 enfants supplémentaires rien qu’en Ouganda, le représentant d’une ONG américaine s’offusque et déclare qu’établir un lien entre des décès d’enfants et la politique environnementale appartient au passé

Nous devons nous demander pourquoi l’on met l’accent sur des organisations transfrontalières d’aménagement des bassins fluviaux sans chercher à savoir quelles fonctions seraient mieux remplies par les administrations nationales et quelles autres, plus limitées, le seraient au niveau de ces organisations transfrontalières. Si nous ne le faisons pas, il y aura d’autres Mékong où, après 50 ans de coopération dirigée par les bailleurs, les pays ne communiquent toujours pas sur les activités de développement en cours.

De telles questions soulignent la nécessité d’un retour aux exigences fondamentales de la Gestion intégrée des ressources en eau. Conformément à ce qui a été convenu il y a plusieurs années à Mar del Plata en 1977 et réaffirmé à Rio en 1992, une bonne gestion de l’eau doit prendre en compte la question de la qualité et de la quantité, et les eaux souterraines de même que les eaux de surface ; elle doit tenir compte des utilisateurs des différents secteurs et des impacts sur ces derniers ; elle doit également considérer le bassin versant comme une unité de gestion permettant de résoudre les problèmes en amont en associant les acteurs en aval, et cela dans le cadre de la politique nationale de développement.

Cependant, la GIRE ne peut pas remplacer les gouvernements légitimes par des parlements de l’eau contrôlés par les bailleurs de fonds. Elle ne doit pas bloquer des décisions légitimes sur le développement en exigeant une prise de décision participative que l’on ne retrouve dans aucun autre secteur.

La prochaine réunion de Rio + 20 passera en revue les progrès relatifs à l’Agenda 21, notamment en ce qui concerne la gestion de l’eau. Elle offre une occasion de renforcer les administrations nationales de l’eau qui doivent relever les défis d’un monde en mutation. Elle pourrait également permettre à la communauté des donateurs de dépasser l’arrogance et ranimer les valeurs de coopération et de respect mutuel, car nous sommes tous aux prises avec les défis que nous impose le 21sup siècle.

[1] Muller, M. (2010). Fit for purpose: taking integrated water resource management back to basics. Irrigation and drainage systems; vol. 24, no. 3-4; p. 161-175. DOI: 10.1007/s10795-010-9105-7

Mike Muller est Professeur invité adjoint à la School of Public and Development Management de l’Université de Witwatersrand, membre de la Commission nationale de planification (NPC) et ancien directeur général du Department of Water Affairs and Forestry (DWAF) de l’Afrique du Sud de 1998 à 2005.

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