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Publié le: 31/03/2012

Mercredi 28 mars s’est tenue à l’Institut français de Ouagadougou une édition du Maquis des Sciences sur la thématique de l’eau. Quatre experts de la société civile et de la recherche, Lamine Kouate (Président du Conseil National de l’Eau), Juste Nansi (Eau Vive), Jean-Emmanuel Paturel (IRD / 2iE) et Romaine KONSEIGA, (Laboratoire Citoyennetés) étaient réunis pour animer, avec la soixantaine de personnes du public, une discussion autour de la question : Y a-t-il assez d’eau pour tous les burkinabè ?

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En prélude au débat, Juste Nansi, chargé d’études, de recherches et de publications à la direction générale Afrique de l’ONG Eau Vive, a tiré un bilan très positif de la participation burkinabè au 6ème forum mondial de l’eau, du 12 au 17 mars 2012, à Marseille en France. Pour Nansi, il est ressorti du Forum des engagements forts des pays africains pour faire de l’eau une priorité en matière de développement. En montrant que le pays n’attend pas des solutions toutes faites de la coopération internationale, le Burkina Faso s’est distingué des autres pays africains et a réussi à mobiliser à lui seul 10% de la Facilité Eau, fonds international de l’Union européenne.

Apprendre à mieux connaître nos ressources

Il n’en demeure pas moins que le pays des hommes intègres est confronté à une crise hydrique incontestable. En effet, si on ramène les 8 à 9 milliards de m3 d’eau de surface disponibles en moyenne par an au Burkina au nombre d’habitants, on obtient une quantité de 600m3 par habitant et par an. Le seuil 500m3 détermine l’état de crise. Si aujourd’hui les burkinabè on à peine de quoi boire, qu’en sera-t-il demain ? En 2050, les ressources déjà insuffisantes aujourd’hui permettront-elles de faire vivre une population multipliée par huit ?

Pour Lamine Kouaté, une des difficultés majeure reste le manque de connaissance des ressources en eau. « Sans mesure pertinentes des ressources en eau », explique-t-il, « il est très difficile d’évaluer correctement la quantité d’eau disponible au Burkina Faso et encore moins de savoir si elle diminue ».

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Cela fait à peine 100 ans que les précipitations burkinabè sont étudiées, trop peu à l’échelle de l’histoire d’une région pour déterminer avec précision son type de pluviométrie. La recherche développe des modèles mais les scientifiques n’arrivent pas à s’accorder : comment évolueront les ressources hydriques au cours des prochaines années. D’ici 2014, l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change – Panel intergouvernemental sur les changements climatiques) devrait avoir affiné ses prévisions, peut être en saurons-nous alors plus.

Des habitudes à changer

Sans attendre jusque là, il est d’ores et déjà possible d’affirmer que l’approvisionnement en eau potable présente de grandes inégalités. Que l’on vive en centre ville, dans un quartier non loti ou en brousse, nous ne buvons pas la même eau et si certains ouvrent simplement leur robinet, d’autres parcourent quotidiennement des kilomètres pour trouver le précieux liquide. Ont accès à l’eau potable 85% des burkinabè résidant en zone urbaine et 58% de ceux résidants en zone rurale.

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Toutefois d’après Mme Konseiga, la mise en place de sources d’eau potable ne résout pas tous les problèmes. Une étude qu’elle a réalisée dans la région de Réo a montré que des robinets d’eau potable installés dans des cours villageoises peuvent être délaissés par les populations.

Interloqué, le public du Maquis a souhaité en savoir plus. Sans entrer dans les détails de son étude,l’anthropologue a cité l’exemple de personnes âgées préférant boire l’eau non traitée de leur puits, celle qu’ils ont toujours bue. Claire, inodore et bonne au goût, cette eau ne pouvait, pour eux, qu’être bonne à boire. Pourtant, la pollution bactérienne ou par les pesticides ne se voit pas, ni ne se sent. Un travail de sensibilisation des populations parallèle à l’implantation de réseaux d’eau potable est donc, tous les invités sont unanimes, nécessaire.

Main dans la main pour mieux consommer et mieux gérer

Sensibilisation, mais aussi responsabilisation. Mentionnée plusieurs fois au cours de la discussion, la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) apparait aujourd’hui comme un élément incontournable d’une meilleure gouvernance des ressources en eau. « Nous sommes tous concernés par l’eau », remarque le représentant de Eau Vive, « c’est en collaborant ensemble, acteurs nationaux et internationaux, professionnels ou simples consommateurs, que nous pourrons faire des progrès. »

« Il faut apprendre aux paysans à gérer l’eau sur leurs parcelles. Pas besoin d’être allé à l’école pour cela. » C’est ce qu’affirme Lamine Kouate. Le sujet est sensible et c’est avec un ton légèrement agacé qu’il évoque les stratégies nationales votées il y a 10 ans en matière d’irrigation et de partage des responsabilités en matière de gestion de l’eau. Leur mise en œuvre ne commence qu’aujourd’hui, lentement, à se faire.

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La systématisation de l’irrigation et de sa gestion pourrait certainement réduire significativement les besoins en eau. 0,5 milliards de m3 sont nécessaires chaque année aux activités humaines. Si seulement quelques litres d’eau suffisent par jours pour boire et se laver, l’agriculture et l’élevage sont de grands consommateurs d’eau et représentent à eux seuls 78% de la consommation des hommes. La quantité d’eau nécessaire à l’élevage ne peut être que difficilement réduite, mais, comme l’affirme Dimitri Xantheulis, professeur à l’Université de Lille, en France, venu assister au Maquis, l’efficience de l’irrigation et donc de l’utilisation faite de l’eau peut largement être améliorée.

La technologie au secours de l’eau ?

Quant à savoir si la technologie et la recherche pourraient permettre aux hommes de « fabriquer » l’eau en grande quantité ou même de la substituer par autre chose, rien ne paraît moins probable aux spécialistes réunis. Les transferts d’eau sont extrêmement coûteux, les pluies provoquées dans le Sahel n’ont montré que des résultats mitigés. L’eau est bien irremplaçable et nécessaire à la vie. Et à Paturel de conclure : « l’eau se fait de plus en plus rare, il faut apprendre à la protéger. »

Anne MIMAULT, Eau Vive.

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