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Published on: 18/06/2019

Les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies ont adopté le 05 septembre 2015 le programme de développement durable à l’horizon 2030. Plus ambitieux que les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), l’agenda 2030 se donne pour sixième objectif un accès universel à l’eau potable en incluant des aspects environnementaux, économiques et sociaux. De ce fait les niveaux de service ciblés sont plus exigeants et il faut désormais viser un accès continu à une eau de qualité et à proximité du lieu de son utilisation (service géré en toute sécurité). Pour cela les pays sont appelés à fixer leurs propres cibles nationales en fonction de l’ambition globale, mais en tenant compte des circonstances nationales. Le Burkina Faso avait anticipé ces dispositions internationales en adoptant, en 2000, un décret portant réforme du système de gestion des infrastructures hydrauliques d’alimentation en eau potable en milieux rural et semi -urbain. Il s’agissait de : renforcer des compétences des collectivités territoriales et notamment les communes dans le domaine de l’AEPA (Adduction en Eau Potable et Assainissement), améliorer la gestion communautaire des PMH (Pompe à Motricité Humaine) au niveau local en favorisant notamment la constitution des Association des Usagers d’ Eau (AUE), et permettre l’intervention du secteur privé à travers des schémas de délégation de service public entre les communes et les opérateurs privés afin de gérer le service public de l’eau à travers la gestion des ouvrages hydrauliques tels les AEPS (Adduction en Eau Potable Simplifiée), PEA (Poste d’ Eau Autonome) et PMH situés hors champ d’intervention de l’ONEA (Office National de l’ Eau et de l’ Assainissement). 

Dix-neuf ans après, les acteurs sont toujours à la recherche de la bonne formule pour assurer la pérennité du service public de l’eau en milieux rural et semi-urbain. L’atteinte de l’ODD (Objectifs de Développement Durable) 6 en dépendant.

La région du Sahel, en décembre 2018, avait un taux d’accès à l’eau potable de 56,9% (selon les données du Ministère de l’Eau et de l’Assainissement) malgré les nombreux financements dont a bénéficié cette zone dans ce secteur depuis « la décennie internationale de l’eau ». Cette situation suscite des interrogations sur la capacité de prendre soin de l’existant infrastructure même si les ouvrages ne sont pas en grand nombre.

La situation globale porte à croire que les communautés ne sont pas en mesure de bien gérer leurs patrimoines hydrauliques. Fort heureusement, certains villages dans les communes de Bagaré, Lâ-Todin et la commune de Bokin, dans la province du Passoré, sont en train de faire des prouesses au point de témoigner de véritables « success story » en la matière. IRC Burkina a initié une plateforme d’échange d’expériences et de capitalisation, à travers un voyage d’étude, du 25 au 27 février 2019 dans les communes exemplaires du Passoré. Ce retour d’expériences à l’endroit des six communes des provinces du Soum et du Loroum (Djibo, Tongomael, Pobé-Mengao, Kelbo, Titao et Ouindigui), dans le cadre du Programme LRRD (Linking Relief, Resilience and Development), a été financé par les fonds fiduciaires de l’Union Européenne. Il ambitionne permettre aux élus locaux et acteurs du domaine : maires, techniciens communaux eau-assainissement, maintenanciers et membres du comité communal de l’eau d’identifier les bonnes pratiques afin d’atteindre l’accès universel à l’eau potable dans leurs zones.

L'expérience de l'intercommunalité dans le Nord

Accompagnées par l’ONG Eau Vive, Bagaré et Lâ-Todin sont deux communes de la province du Passoré qui expérimentent l’intercommunalité préconisée par la réforme. Le succès de cette intercommunalité est un véritable « cas d’école » et attire des communes de plusieurs régions du Burkina Faso (le Centre-Nord, le Plateau Central, l’Ouest, les Hauts-Bassins et le Sud) et du Mali (en février 2019, 19 communes leurs avaient rendues visites).

En effet un technicien en eau et assainissement est commis pour les questions de ce secteur dans les communes. D’autre part ce système permet de planifier les besoins, de programmer les investissements, de mobiliser des ressources et de rechercher des financements au profit des deux communes. Bagaré et Lâ-Todin ont conjugué leurs efforts pour mettre, avec l’aide des partenaires, en place des Associations des Usagers d’Eau (AUE) fonctionnelles dans les deux communes et un dépôt de pièces d’une valeur de 5 millions FCFA. Les taux d’accès à l’eau potable sont de 82% et de 64% pour Lâ-Todin et Bagaré. Les taux de recouvrement des cotisations annuelles auprès des usagers étaient en décembre 2018 respectivement de 85% et 90% pour Lâ-Todin et Bagaré.  

Dépôt de pièces des deux communesDépôt de pièces des deux communes

Le village de Kalla a financé à hauteur de 31% la réalisation de sa dernière PMH

Kalla fait partie des seize (16) villages de Lâ-Todin. Aidée par la commune et Eau-Vive, la communauté a pu faire le diagnostic des problèmes relatifs à l'eau auxquels elle était confrontée dans cette région du Burkina Faso où la saison des pluies est courte et les précipitations mal reparties dans le temps et dans l'espace. Après diagnostic, des pistes de solutions ont été trouvées, parmi lesquelles la mise en place de l'Association des Usagers d'Eau (AUE). Tous les membres AUE sont impliqués en particulier le CVD (Conseil Villageois de Développement), le conseiller du village et le président AUE au point où les litiges portant sur l'eau sont réglés chez le chef de village. À ce jour l'AUE comporte les registres des familles du village et tout le monde cotise. Le recouvrement se fait généralement à la récolte du haricot : période pendant laquelle la vente de haricot rapporte le plus de revenus aux villageois. Il se fait également selon le genre et la possession de bétail : chaque chef de ménage donne annuellement 2 000 FCFA et tous les femmes et enfants de 18 ans ou plus cotisent à hauteur de 500 FCFA. Les propriétaires de troupeaux donnent une contribution de 500 FCFA par tête d'âne et 1000 FCFA par tête de bœuf. Il arrive que certains usagers payent les redevances pour deux ans. En termes de redevabilité, des assemblées générales sont tenues et à l'occasion le montant de la caisse AUE est communiqué. Celui-ci s'élève aujourd'hui à près de 1 300 000FCF (US$ 2 242). La communauté a décidé par ailleurs de reverser tous les dons de sommes d'argent (mairies, campagnes présidentielles et particuliers) dans la caisse de l'AUE et de ne pas tenir rigueur aux populations vulnérables qui ne sont pas en mesure de cotiser. En juin 2018 l'AUE a contribué à hauteur de 31% (2 300 000 FCFA incluant les agrégats) pour la réalisation de sa troisième PMH.

Échanges entre la communauté de Kalla et les participants des communes invitées par IRC

La stratégie du village de Baripsi a été d'affecter un comité de gestion à chaque PMH

Baripsi est un des vingt-cinq (25) villages de la commune de Bagaré. Chacune des six (6) PMH du village a un comité de gestion qui est encadré par l’AUE centrale. Les cotisations s’élèvent à 100 FCFA/mois/habitant pour tous ceux qui ont un âge supérieur à 12 ans. Les éleveurs contribuent en fonction de la taille de leurs troupeaux : 5000 FCFA pour les troupeaux de moins de 10 têtes et 10 000 FCFA pour ceux de plus de 15 têtes. Les registres des AUE ne contiennent certes pas les personnes vulnérables mais cette catégorie de personnes est autorisée à puiser gracieusement l’eau des PMH. En cette période de recouvrement, le montant de la caisse s’élève à 301 200 FCFA sur 436 000 FCFA attendus.

Entretien avec l’AUE de Baripsi

La commune de Bokin est en train d'expérimenter la gestion des ouvrages hydrauliques par le système de la régie

La commune de Bokin a rompu son contrat avec le fermier, pour insatisfaction de la qualité du service, et pris des dispositions pour la gestion de ses ouvrages à travers la mise en place du comité communal de l’eau. Une année, après elle a pu grâce à l’aide de ses partenaires techniques et financiers, faire onze (11) nouvelles réalisations et réhabiliter des ouvrages. Le comité communal de l’eau explique solliciter l’appui des partenaires, à toutes les occasions, dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. À la question de savoir si elles pensent que la réalisation de nouveaux ouvrages et les réhabilitations suffisent à assurer un service durable, les autorités communales répondent travailler, avec leurs partenaires techniques et financiers, à améliorer continuellement et à rendre leurs services durables. La dernière recommandation des partenaires est l’amélioration de la rémunération des fontainiers.

Participants et autorités communales de Bokin

Les exemples de Lâ-Todin et de Bagaré montrent que si les communautés sont engagées et bien accompagnées, elles sont en mesure de gérer efficacement leurs parcs hydrauliques. La fin de l'appui de l'ONG Eau Vive sera un test à la durabilité de cette gestion et l'Etat pourra en tirer des leçons au profit de la réforme. Suivre de près le cas de Bokin permettra d'apprécier l'efficacité du système de gestion par régie et de relancer le débat au plan national sur la question cruciale de la pérennité et de la gestion des ouvrages d'eau.

 

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