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Publié le: 04/12/2014

Au Burkina Faso, l'étude sur l'efficacité de l'aide publique au développement (APD) menée par IRC est basée sur une analyse du financement et de la mise en œuvre du programme national d'approvisionnement en eau potable et en assainissement (PN-APEA) couvrant la période 2007-2013. D'ailleurs, le rapport complet est disponible ci-dessous. L'analyse porte d'une part sur la planification et la réalisation des investissements dans le secteur depuis 2007, la coordination et la gestion de l'APD, le type de financement porté par l'APD et plus généralement le financement du secteur. D'autre part, l'efficacité et l'efficience du secteur sont mesurées au regard du développement des services d'eau potable et d'assainissement et de l'évolution des capacités et des compétences des institutions publiques et des organisations nationales pertinentes. Il se trouve que :

  • Le secteur de l'assainissement de l'hygiène est le plus grand déficitaire de l'aide au Burkina Faso; le secteur a dépensé respectivement en zones urbaines et zones rurales 73,9% et 45,5% des ressources prévues, pour des résultats décevants avec des taux d'accès en zones urbaines et zones rurales, 62,8% et 13,9% respectivement. L'approche basée sur la construction d'ouvrage ne permet pas de rendre compte de l'amélioration de la santé des populations. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre et de suivi pour l'assainissement et l'hygiène doivent mieux être intégrées à la santé ;
  • Le secteur de l'hydraulique urbaine (sous la responsabilité de l'Office National de l'Eau et de l'Assainissement -ONEA) est le grand gagnant du secteur; sa capacité de mobilisation est forte et les mécanismes de sa gouvernance sont autofinancés. 99% de la population urbaine a aujourd'hui accès à un service d'eau adéquat. L'ONEA œuvre à une échelle adéquate et elle est en voie de s'affranchir de l'aide publique au développement.
  • L'argent de l'aide étant clairement ciblé pour l'amélioration du taux d'accès à l'eau, on peut considérer qu'elle a globalement atteint son objectif. Avec seulement 34% de l'APD prévue pour la période 2008-2015, 80% des cibles pour la construction d'ouvrage d'approvisionnement en eau potable a été atteinte, même si la qualité des ouvrages réalisés n'est pas constante ;
  • En investissant seulement 3% des fonds propres de l'Etat et 17% de l'APD mobilisée pour la gouvernance, le secteur n'a pas réussi à développer les capacités et mécanismes nécessaires à la pérennité des services. Ce volet a d'ailleurs été grandement sous-estimé et il n'existe pas d'indicateurs permettant de suivre l'évolution du secteur à s'autogérer. Puisque l'État est en charge de la gouvernance du secteur, il doit trouver les modalités de gestion du secteur et se doter des moyens pour les financer ;
  • Malgré des tentatives de mutualisation des ressources et d'harmonisation (ABS, panier commun) 80% de l'aide est distribuée par des projets, ce qui a pour effet de saupoudrer l'argent, au détriment de stratégies à long terme. L'échec de l'alignement et de l'harmonisation s'explique par un nombre de facteurs tels que la confiance (transparence), et le choix des priorités d'allocation de ces ressources ;
  • Bien que l'aide ait fortement contribué à améliorer l'accès à l'eau potable en milieu rural, elle n'a pas conduit le secteur à considérer les dimensions de qualité de l'eau et de quantité d'eau consommée, de proximité et de fiabilité qui constituent les bases d'un service adéquat. Des indicateurs autres que le taux d'accès sont nécessaires pour rendre effectivement compte de la qualité et de la pérennité des services d'eau potable fournie aux populations en zones rurales.

Autrement dit, l'étude démontre que l'État n'a pas été en mesure de jouer son rôle de leader. Il n'a pas pu contribuer au PN-AEPA à la hauteur des prévisions et il n'a pas établi de modalités pour s'affranchir de l'aide. Le secteur rural dont il a la responsabilité (avec les communes), est fragmenté, avec une échelle d'intervention inadéquate. Le résultat est que l'Etat est toujours dépendant de l'aide. Afin de réajuster le tir pour la période post 2015, nous avançons les recommandations suivantes :

Femme versant un bidon d'eau

  1. Recentrer les fonctions de l'administration publique sectorielle (Ministère de l'eau, des aménagements hydrauliques et de l'assainissement-MEAHA et ses directions centrales et déconcentrées). Le MEAHA et ses démembrements devraient donc se focaliser sur les fonctions stratégiques du secteur qui sont aujourd'hui en conflit avec des fonctions opérationnelles pour lesquelles les entités ministérielles actuelles (y compris les agences d'exécution de travaux) sont moins adaptées.
  2. Mettre en place une société nationale d'eau potable et d'assainissement des zones rurales et villes secondaires pour exécuter la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux, assurer l'exploitation et la maintenance des ouvrages et la fourniture des services, superviser et contrôler les interventions et la qualité des services fournis aux populations. Nous croyons que la mise en place de cette entité est un passage impératif pour la professionnalisation, l'efficacité et la pérennité des services à moyen et long terme.
  3. Mettre en place une Banque nationale d'investissements pour l'eau et l'assainissement à l'échelle du pays. Cette option, développée par Dr Pezon par le biais d'un autre blog, est une réponse au besoin de professionnaliser la gestion des financements pour le moyen et le long terme. La banque assurerait la gestion déléguée de tous les fonds nationaux (dons et prêts), et elle assurerait le financement des investissements publics viables et en phase avec les politiques et stratégies publiques sectorielles. Autrement dit, elle serait l'interface entre toutes les sources possibles de financement des investissements du secteur et les opérateurs de service et porteurs de projets (publics, privés ou associatifs).
  4. Etablir un mécanisme de rétrocession de la TVA perçue sur l'eau et les activités des opérateurs et de projets d'AEPHA à la Banque d'investissement pour assurer la génération de ressources financières nationales qui permettraient de compenser partiellement les dons extérieurs qui vont inéluctablement se réduire de façon significative de 2015 à 2030.
  5. Mettre en place une politique tarifaire nationale avec des mécanismes de solidarité entre l'urbain et le rural. Il s'agit de prélever un pourcentage ou un forfait sur les recettes de la vente de l'eau potable en zone urbaine à affecter au développement des services d'eau potable en zones rurales. Ce mécanisme transiterait également par la Banque d'investissement pour financer le secteur.
  6. Prévoir, à une fréquence à définir, une analyse indépendante de l'efficacité du secteur afin de mobiliser les acteurs stratégiques sur les performances et la mise à jour des orientations politiques et stratégiques.

Ces recommandations demandent certes d'être approfondies, mais nous croyons que le secteur doit sortir des sentiers battus et accepter d'innover s'il veut se donner la chance d'atteindre la fourniture de services d'eau et d'assainissement pour l'ensemble des burkinabè d'ici 2030.

Les propos de ce blog sont tirés du rapport écrit par M. Juste Hermann Nansi, M. Koalga P. Saïdou et Dr. Christelle Pezon

 

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